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Growth Hacking: Journalisme et Stratégie de contenus – Partie 2

Inciter les utilisateurs et notamment les nouvelles générations à venir, revenir et s’engager de manière plus qualitative dans le tunnel de conversion, va nécessiter d‘élaborer une stratégie de contenus vraiment sophistiquée. À travers le tunnel de conversion et les étapes clés du Growth Hacking nous allons passer en revue les principaux leviers de l’éditorial au service du développement de l’engagement et de l’abonnement. D’ailleurs, avez-vous identifié quels sont vos publics cibles prioritaires ?  Leurs comportements, parfois à l’opposé les uns des autres, doivent être au cœur de votre stratégie de contenus.  Et désormais, votre salle de rédaction ne doit plus produire un journal pour tous mais être en capacité de cibler plus finement les attentes de publics solvables, en quête de nouveautés et déjà adeptes du numérique. Voici mon retour d’expérience pour engager cette nouvelle stratégie de développement.

Dans ce second volet de « 3mn R&D » qui en compte trois (ici 1ère partie, si vous ne l’avez pas encore lue), nous allons voir pourquoi il faut s’intéresser de près à votre tunnel de conversion et au Growth Hacking et quels sont les leviers importants sur lesquels agir, afin d’inciter les utilisateurs à s’impliquer davantage. Actuellement, je mène ce travail pour un média régional désireux d’accroître son portefeuille d’abonnés et la rétention de ses clients grâce aux contenus. Bien évidemment, au commencement, il y a les data et leurs études pour caractériser un problème en vue de le résoudre.

1/ Comprendre comment s’opère l’engagement des publics cibles

Ces dernières années, je n’ai eu de cesse d’étudier les data de nombreux médias pour  comprendre ce que leurs utilisateurs aiment, afin de faire évoluer les produits et mieux coordonner les efforts entre la rédaction et le marketing. Que peut-on apprendre des data pour ajuster, corriger une stratégie de contenus, etc. ? Beaucoup de choses ; mais pour simplifier ma démonstration, je vais me concentrer aujourd’hui sur deux segments de lecteurs engagés dans le tunnel de conversion (cf. Graphique ci-dessous et le fameux AAARRR – Awareness, Acquisition, Activation, Rétention, Revenus, Referral). Dans un premier temps, j’ai donc cherché à comprendre comment s’opère l’implication des lecteurs les plus loyaux (étape Rétention) ainsi que celle des abonnés (étape Revenus). Dans un deuxième temps, j’ai cherché à comprendre le comportement des nouveaux utilisateurs, c’est-à-dire ceux qui découvrent l’offre (étape Awareness) et qui commencent à s’impliquer dans le contenu (étape Acquisition).  Qu’est-ce qui caractérise leurs comportements  d’utilisateurs ? Ces deux publics se ressemblent-ils ou non ?

Commençons par les plus loyaux et les abonnés, c’est-à-dire le client traditionnel (cf. Graphique ci-dessous) : ce sont majoritairement des hommes. Ils sont plus âgés que la population moyenne (60 ans) et consultent leur média préféré principalement grâce au desktop et leurs sessions comptent parmi les plus longues des différents segments de lecteurs. Ensuite, leur consommation est très particulière : ils aiment les mauvaises nouvelles ! Plus vous leur servez de mauvaises nouvelles, plus ils les liront. Cela ne veut pas dire qu’ils ne lisent pas des contenus avec une titraille positive mais ce sont avant tout des utilisateurs friands de faits-divers pour qui un énième attentat ou une mauvaise nouvelle, près de chez eux ou à l’autre bout du monde, n’effraient pas. Ils cliqueront encore une fois sur une alerte pour s’informer. Ce type de lecteurs est bien en phase avec l’ADN de ce média : l’actu, toute l’actu. Suivre l’actualité locale, nationale et internationale est une raison suffisante pour se convertir au payant, il apprécient aussi de pouvoir retrouver la version pdf du journal. Dernier point, ils ne tiennent pas particulièrement à réagir et à donner leur avis.

Par contre, au sommet de l’entonnoir de conversion, l’histoire est toute différente. Aux étapes Awarness et Acquisition (cf. Graphique ci-dessous), on retrouve : une nouvelle génération d’utilisateurs ou devrait-on dire d’utilisatrices, bien plus jeune, majoritairement constituée de femmes, déjà adepte du numérique car se connectant principalement grâce à leur smartphone au travers de sessions courtes, voire très courtes. Ce segment est avant tout intéressé par… les contenus à la titraille et aux mots “positifs”. 

En somme, rien de ce qui constitue l’ADN de ce média axé sur l’actu et donc malheureusement principalement sur les mauvaises nouvelles. La conversion au payant de ce public est nulle. Des entretiens individuels avec ce public plus jeune, plus féminin ont été menés pour comprendre les raisons du non abonnement. Trois d’entre elles m’ont particulièrement frappé : ces personnes ne confèrent pas de valeur à l’offre actuelle basée sur l’information de proximité (non anglée) et les faits divers. Ensuite, elles estiment que l’offre digitale n’est pas suffisamment aboutie. Enfin, elles s’attendent à pouvoir interagir, donner leurs avis avec les journalistes ce qui est impossible. Difficile dans ce cas là de leur vendre quoi que ce soit.

Le résultat de mes travaux fut une découverte pour la direction de ce média. Ce simple exemple démontre que la transformation d’un média doit passer par une connaissance fine du client actuel et désiré pour adapter la stratégie des contenus et faire converger tous les efforts de la rédaction, du marketing, de l’IT vers des objectifs communs et mesurables.



2/ Un peu de contexte avec Reuters Institute concernant le rapport entre citoyens et information 

En réalité, il existe des publics aux attentes diverses avec des comportements très variés. Pour simplifier, nous avons une partie de la population qui fuient volontairement les sites d’information, estimant que cela a un effet néfaste sur leur humeur ; tandis que de l’autre côté se trouve les accros à l’actu et donc entre les deux, il existe une grande variété d’attitudes mixant intérêt-rejet, selon les sujets et/ou les thématiques (source : Reuters Institute).  

À noter que même pour cette population des plus passionnés à l’actu, on observe, entre 2016 et 2021, un recul de l’intérêt pour les infos dans beaucoup de pays. Sur un ensemble de 24 pays, cette baisse de la population “Très ou Extrêmement intéressée par les informations”  passe de 63% à 58%, soit un recul de 5 points. Ce déclin de l’intérêt de l’info est d’ailleurs plus prononcé en Espagne ou au Royaume-Uni avec une baisse de 17 points, de 12 points en Italie, de 8 points en France ou encore de seulement 4 points en Allemagne (Source Reuters Institute). 

Ainsi, si dans un premier temps, la pandémie mondiale de Covid-19 a boosté la consultation et l’abonnement aux sites d’informations pour un certain type de public, cette étude démontre qu’une part grandissante de la population se détourne de l’information depuis. 

Autre fait, mesuré cette fois par Statista en 2019 : dans chaque pays, il existe une part non négligeable de la population qui fuit parfois de manière active les informations : en 2019, 41% des américains et des britanniques, 33% des français, 25% des allemands. De son côté, l’Institut Reuters a cherché à comprendre les raisons de cette fuite active (cf. graphique, ci-dessous) . Lorsque que l’on pose la question : “pourquoi cherchez-vous à fuir l’information ?” Les gens répondent que l’info a “un effet négatif sur mon humeur” à 48%,  ou encore qu’ils ne peuvent pas “compter sur la véracité des informations” à 37%. En somme, si la raison d’être d’un média est bien évidemment le traitement de l’actualité, un nombre grandissant de citoyens s’en détourne estimant que ce n’est pas ce dont ils ont besoin dans leur vie. 

3/ La stratégie de contenus pour viser des publics cibles et leur être utile

L’enjeu est donc d’apprendre à varier intelligemment ses contenus, à mieux les marketer pour mieux répondre aux attentes protéiformes des publics car tout le monde n’attend bien évidemment pas toujours la même chose. 

On le sait bien, les mots négatifs et les illustrations boostent l’audience et les clics. Pourtant, cette course aux titres toujours plus forts, négatifs qui créent un climat anxiogène pour certains n’est plus un projet d’avenir pour une rédaction, ni ce qui vous permettra de partir à la conquête de nouveaux publics.

La stratégie de contenu incarne donc la manière dont un média entend engager (tout au long du tunnel de conversion et des étapes AAARRR) ses publics à travers le choix de ses sujets, des formats, des rythmes de publication, de la titraille, du ton, de la profondeur, de la qualité des sources, etc. Les indicateurs de performance souligneront ce qui a bien fonctionné et ce qui a fait un flop. Voici des pistes de réflexion pour imaginer votre nouveau journalisme plus engageant :

  • Et si votre raison d’être était d’aider votre lecteur à prendre de meilleures décisions.
  • Et si votre raison d’être était d’apporter une variété de points de vues pour augmenter l’acuité de votre lecteur.
  • Et si votre raison d’être était de montrer des Solutions pour résoudre  les problèmes auxquels le lecteur est confronté
  • Et si votre raison d’être était de montrer comment une solution a été déployée avec ses parts de succès et d’échec.
  • Et si votre raison d’être était de donner une vue d’ensemble et pas seulement des faits épars?

Dès lors, vous devrez en  parallèle : 

  • Renoncer à l’usage de titres “clickbait” (piège à clics) ! En effet, ils ne  permettent pas de construire une relation de confiance et sont désormais très bien repérés par une partie du public qui considère ce type de contenus comme bas de gamme.
  • Développer la confiance. Pour vous y aider, il faut apprendre à mieux connaître ce que les gens recherchent précisément dans vos contenus et ce qu’ils en pensent. Il faut rapprocher la fonction « Étude du lectorat » de la newsroom et rendre cette collaboration permanente, afin de guider la rédaction. Je reviendrai à travers un prochain “article 3 mn R&D” au sujet de cette collaboration.
  • Être capable de faire émerger de manière permanente ces angles plus originaux, explicatifs pour toucher tous les sens des lecteurs. Ce ne sont pas les faits d’actualité à eux seuls qui peuvent permettre de mieux comprendre le monde… mais bien davantage les liens qui les relient et qui permettent d’apporter du sens. 

En conclusion, les changements que vous introduirez devront être suivis pas à pas. D’où l’intérêt de suivre de près le processus de déploiement d’une stratégie de contenu. 

Le média régional que j’accompagne a également accepté d’adopter cette nouvelle approche en ciblant de manière plus volontariste les femmes de la génération 35-50 ans, par exemple. Ils ont également accepté de réactualiser leur ADN, leurs formats pour mieux engager les publics.

4/ La stratégie de contenus, un processus permanent 

Ci-dessous, vous trouverez une présentation de la stratégie de contenus appliquée aux médias qui vient compléter l’approche Growth Hacking et ses étapes clés. L’objectif est de réfléchir au départ sur votre Raison d’être, pourquoi et pour qui faites-vous au quotidien tout ce travail ? Prenons, un exemple, si le traitement de l’actualité et le format “alerte” sont parties intégrantes de votre identité, qu’en est-il de la “Prévention” et le fait d’aider votre lectorat à adopter la meilleure posture face à un danger ou un changement profond ? Il y a une vingtaine de Raisons d’être sur lesquelles vous devez réfléchir et personnaliser cette Roue de la Stratégie des contenus. 

  • Votre raison d’être. Pourquoi êtes-vous utile à vos clients aujourd’hui ? Comment pourriez-vous être utile à de nouveaux clients demain ?
  • Quels sont vos objectifs clés ? Qui visez-vous ? Qui sont vos clients aujourd’hui ? Qui seront vos clients demain ? Pourquoi vont-ils vous préférer ? Pourquoi leur serez-vous indispensable ?
  • SEO, Cocon Sémantique et SMO. Il ne suffira pas de produire les contenus dont vos cibles auront besoin, il faudra également veiller à ce que ces contenus soient bien référencés et réussissent à sensibiliser des lecteurs potentiels sur les réseaux sociaux.
  • Devenez la référence sur vos sujets clés. Vous devrez devenir leader des sujets qui seront les plus identitaires pour vos publics. Devenir LA référence sur ces sujets vous permettra d’attirer à vous d’autres clients potentiels. Ainsi, vous devrez être au premier rang sur Google ou rassembler le plus grand nombre d’engagements (partages, commentaire, likes) sur les réseaux sociaux.
  • Innover et introduire de nouveaux formats.  Pour développer l’engagement ou encore l’implication des publics cibles, il vous faudra également surprendre vos audiences aux travers de formats novateurs et mobile-first.
  • Indicateurs de performance. Mettez en place des indicateurs de qualité pour vous assurer que les contenus sont davantage ouverts via les newsletters, davantage lus par les abonnés, davantage partagés/commentés sur les réseaux sociaux, davantage impliqués dans la conversion au payant ou encore avec un taux de rebond plus faible… 

Pour le média régional que j’accompagne dans sa transformation numérique, je les ai convaincus d’adopter une nouvelle posture auprès de leurs utilisateurs et donc de reconsidérer leurs raisons d’être. Nous avons mené une série d’Ateliers pour compléter l’ADN de leur marque à travers 8 nouvelles dimensions. Afin de s’assurer que le déploiement de cette nouvelle stratégie aille bien à la rencontre des besoins des femmes et des générations plus jeunes, nous avons réalisé une étude auprès de 1.000 lecteurs pour tester les nouvelles promesses éditoriales. Le plus intéressant a été de comparer les performances entre classes d’âges et sexes. J’aurai l’occasion de vous en parler plus tard en détail.  

5/ La clé du succès : orchestrer la pluridisciplinarité pour approfondir l’engagement

Pour regagner la confiance du public aux médias, il faudra être bien plus transparent et chercher à intégrer, avant même la publication d’un premier contenu, les attentes des lecteurs. Cette approche est très différente du journalisme traditionnel  qui n’a pas pour objet d’écouter et co-construire de manière active les contenus avec ses publics cibles. Cette approche va donc fournir un grand nombre d’arguments pour aider une nouvelle génération de lecteurs à se connecter à vos contenus.

En fait, le produit média doit toujours être en phase avec les besoins et les habitudes de ses lecteurs cibles. Si ces derniers veulent des Solutions, de l’Interaction ou davantage de Décodage, le média doit pouvoir les leur offrir.

Mais pour espérer être un relais de croissance, cette offre devra réussir à allier le meilleur de vos contenus, tels que des enquêtes avec des approches de narration créative, intégrant les lecteurs à de nouvelles fonctionnalités ou des formats innovants et à des actions de Marketing soignées.

Il ne suffit pas de réunir dans une même pièce les équipes éditoriale, marketing, IT et Design pour espérer que la magie opère. L’enjeu sera d’orchestrer ces expertises éditorial, marketing et IT/Design, en vue d’aligner leurs missions à travers la publication des contenus, objectifs de chacun pour que les équipes puissent accomplir leurs missions à travers un objectif commun : l’amélioration du produit (cf. graphique, ci-dessous) !

Les avantages de cet alignement des objectifs sont au nombre de trois :

  • Les intentions éditoriales sont connues à l’avance et peuvent prendre la forme d’un programme.
  • Le programme intègre à tous les niveaux les attentes des cibles prioritaires.
  • Enfin, la promotion des contenus n’est pas une tâche effectuée si on a le temps mais elle est structurante. 

L’un des exemples récents le plus abouti est celui du New York Times qui a mis en place une équipe pluridisciplinaire (rédaction, produits, design, marketing, recherches, etc.) dont la finalité est justement d’approfondir l’engagement.Sans cet alignement des missions, l’optimisation du tunnel de conversion pour un média ne sera qu’un vœu pieux.

David est PDG et fondateur de New World Encounters et d’Upgrade Media. Il a plus de 15 ans d’expérience en tant que coach et consultant en stratégies numériques au sein d’organisations comme WAN-IFRA ou d’éditeurs de référence. David est passionné par le service à la communauté des médias et partage à travers ce nouveau format, « 3mn R&D », son expertise sur le développement de produits 100%, dédié aux médias.